[Mythologie] Le mythe de Sisyphe
Introduction
Malgré l’heure matinale, le soleil dardait déjà vers lui ses implacables rayons, si bien que l’homme dut s’accorder un moment de répit. Il cala, non sans mal, son lourd fardeau à l’aide de quelques pierres et d’une grosse branche posées sur le bord du chemin, puis il relâcha progressivement ses muscles. Quand il fut certain que le rocher eût trouvé son équilibre, il se libéra complétement de l’étreinte de la pierre.
Massant son épaule endolorie, il observa, pensif, le chemin qui lui restait à parcourir. Heureusement, un sillon, creusé dans le sol à mesure de ses innombrables passages, lui facilitait un peu la tâche. Ce chemin, il le connaissait par cœur et il aurait pu, de mémoire, en dessiner la moindre aspérité. Il n’y avait plus ici un seul caillou sur lequel il n’avait pas déjà marché, une seule racine sur laquelle il n’avait pas déjà trébuché, un seul tronc contre lequel il n’avait pas déjà pleuré.
Pourtant, à une dizaine de mètres de lui, un objet blanc posé par terre attira son attention. Intrigué, l’homme ne s’approcha pas tout de suite. Depuis des années – que dis-je, des siècles ! – aucune surprise n’avait alimenté son existence. C’était le même chemin qu’il parcourait encore et toujours, du matin au soir, du soir au matin. Les mêmes cailloux, les mêmes racines, les mêmes troncs, qui rythmaient son existence.
À la fois excité et inquiet par cette nouveauté, il se posait mille questions. Sentant son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine, il était parcouru du sentiment délicieux de se sentir vivant. Après plusieurs minutes dont il savoura chaque instant, l’homme s’approcha enfin de l’objet.
C’était un livre.
Quand il fut assez près pour pouvoir y lire son propre nom sur la couverture, il ne put réprimer un mouvement de recul.
Le Mythe de Sisyphe, par Albert Camus.
Reprenant ses esprits, il s’empara du livre et le feuilleta. Albert Camus ? Quel nom étrange. Il se demanda dans quelle cité pouvait bien vivre cet auteur inconnu, avant de se rappeler que le monde avait dû bien changer depuis qu’il en avait été extrait.
Il parcourut le livre rapidement, y lut certains passages au hasard. Une phrase, notamment, le bouleversa : « Il faut imaginer Sisyphe heureux ».
L’homme hurla de toutes ses forces. L’écho de sa propre voix lui parvint en vagues successives. Entendre une voix humaine, fût-elle la sienne, le réconforta un peu.
Le mythe de Sisyphe
Sisyphe est le fils d’Eole, le Dieu du vent. Sa mère s’appelle Énarété mais, franchement, personne ne vous en voudra si vous l’oubliez.
Passons rapidement sur les grandes étapes de sa vie : il épouse Méropé avant de fonder Corinthe. Bref, il a tout de l’homme brillant, promis à un brillant avenir.
Mais Sisyphe a un gros défaut : il est persuadé qu’il est plus malin que tout le monde. Il se croit même assez malin pour rivaliser avec les Dieux en personne…
L’histoire commence le jour où Zeus fait une escale à Corinthe. Le Dieu, dont la réputation de tombeur de ces dames n’est plus à faire, vient juste de kidnapper la nymphe Égine pour l’emmener dans un lieu secret. Sisyphe est mis au courant de la chose, se disant que cette information pourrait lui servir un jour ou l’autre… Justement, quelques jours plus tard, c’est au tour d’Asopos, le père de la nymphe kidnappée, d’arriver dans la cité. Le vieil homme remue ciel et terre pour retrouver sa fille mais n’a pas le moindre indice qui lui permettrait de remonter jusqu’à elle…
Bien sûr, Sisyphe y voit une aubaine… Il passe un marché avec Asopos : il veut bien lui dire qui a enlevé sa fille si celui-ci fait jaillir immédiatement une source dans sa cité. Asopos, fils de Poséidon, est justement le Dieu des sources… il remplit donc sa part du contrat sans aucune difficulté. En retour, Sisyphe tient parole et lui indique que c’est Zeus en personne qui a enlevé sa fille.
Gloups. Malaise.
Dénonce-t-on impunément le Dieu des Dieux sans craindre son courroux ?
Zeus rentre dans une colère farouche. Lui, le Dieu tout-puissant, se faire dénoncer par un roitelet de rien du tout !? Il appelle Thanatos, le génie de la mort, pour envoyer cet effronté de Sisyphe aux Enfers et lui en faire voir de toutes les couleurs. Ça servira d’exemple pour les autres mortels qui oseraient défier son autorité…
Mais Sisyphe a plus d’un tour dans son sac ! Quand Thanatos se présente à lui, il lui montre un objet de son invention : des menottes. Le génie de la mort semble intéresser, et c’est tout naturellement que Sisyphe lui propose d’en essayer une paire… avant de l’enchaîner à un rocher !
Cette situation sème une grosse pagaille sur Terre : tant que Thanatos est prisonnier, plus personne ne peut mourir ! La colère de Zeus monte d’un cran. Il compte dorénavant régler le problème de ses propres mains. Il descend sur Terre, délivre Thanatos et tue Sisyphe sur le champ.
(et maintenant, on n’en parle plus)
Mais même mort, Sisyphe n’a pas fini de faire parler de lui… Ce que Zeus ignore, c’est qu’il a demandé à sa femme, juste avant de mourir, de ne pas lui rendre les honneurs funèbres traditionnels. Sa pauvre épouse n’en comprend pas bien les raisons mais elle obéit à son mari sans poser de questions.
Lorsqu’il est devant Hadès (le Dieu des Enfers), Sisyphe réussit à le convaincre de remonter à la surface. Eh oui, déclare-t-il, il souhaite revenir à la vie pour châtier son épouse qui n’a pas procédé aux cérémonies habituelles !
Croyant Sisyphe de bonne foi, Hadès accepte…
En quelques jours à peine, Sisyphe a ainsi dupé les Dieux les plus puissants de l’Olympe. Du jamais-vu !
Cette fois, Zeus est VRAIMENT en colère. Il réfléchit longuement avant de trouver un châtiment à la hauteur du forfait : il condamne Sisyphe à hisser un rocher tout en haut d’une montagne… Ce rocher, une fois au sommet, retombera irrémédiablement… Et Sisyphe devra donc recommencer, éternellement…
Dans le Mythe de Sisyphe, Albert Camus qualifie d’ailleurs Sisyphe de héros « absurde ». Mais la vie vaut, selon lui, la peine d’être vécue : « il faut imaginer Sisyphe heureux », écrit-il. Si Camus le dit…
Épilogue
L’homme reposa doucement le livre par terre, s’épongea le front de son pagne crasseux et retourna sur le chemin. « Encore Zeus qui se joue de moi », pensa-t-il. Il lança un regard plein de défi vers le ciel, avant de caler son épaule contre le rocher. Et Sisyphe continua son ascension vers le sommet.
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je viens de découvrir ton site et je conviens qu’il est assez intéressant! Instruire les jeunes en racontant des histoires dans un style peu conventionnel est une riche idée que je me suis dépêché de mettre en pratique avec mes étudiants. Certains ont aimé et je veux retenir cet aspect positif. C’est à dire que je vais poursuivre ta méthode. Merci donc! Mais, malheureusement, le texte est émaillé de beaucoup de fautes d’orthographe, de grammaire et de conjugaison. Ce qui n’est pas très bien perçu dans une classe de langue française. Essaie donc de faire un effort afin que de telles erreurs soient évitées dans l’avenir. Bon courage!
Bonjour Mohamed.
Merci pour ton commentaire très positif.
J’essaierais en effet à l’avenir de me relire plus attentivement avant de poster!
Sisyphe est décidément partout en ce moment… On le retrouve même chez les bousiers!
http://blog.slate.fr/globule-et-telescope/2013/01/24/le-scarabee-bousier-marche-droit-grace-a-la-voie-lactee/
Cet article sur Slate est très intéressant où on apprend que le bousier se repère la nuit et guide sa petite boule d’excréments grâce au positionnement des étoiles de la voie lactée. Amazing.
Si ça se trouve, c’est le bousier qui a inspiré l’Antiquité pour inventer le supplice de Sisyphe. Why not?
Au moins il peut être géologue!!
Sur cet article présentant le mythe de Sisyphe de façon fort originale, je me permets de recopier un passage d’un livre que j’ai lu sur le sujet et qui m’a inspiré :
« Des mythographes ont interprété le mythe de Sisyphe (pour reprendre le titre de l’essai de Camus), comme l’image du soleil qui s’élève chaque jour et retombe chaque soir dans la nuit ; de même les marées, qui vont et viennent. Espérant indéfiniment réussir, mais éternellement voué à échouer, Sisyphe ne peut échapper aux lois de la nature, dont il est en quelque sorte le moteur et le prisonnier. »
N’est-ce pas joliment dit ? Cette comparaison avec le cycle solaire est assez puissante, et peu couramment utilisée malgré sa puissance évocatrice.