L’histoire de Fritz, l’éléphant qui voulait mourir
Je suis Fritz. Quel nom ridicule ! Je le hais de toutes mes forces. Malgré ma mémoire d’éléphant, je ne peux me rappeler de mon vrai nom, celui que me donna ma mère. Moi, fier pachyderme venu d’Asie réduit en esclavage, je n’ai d’autre identité que celle dont m’a affublé mon premier bourreau. Fritz. Ne m’appelez pas ainsi. Ne m’appelez pas du tout. Et laissez-moi partir pour de bon.
Au moment où je vous parle, des chaînes sont en train de m’étrangler. Je suis au milieu d’une rue dans une ville de France. Tours, je crois. Cette fois, ça y est. Les hommes ont décidé de me tuer. Mon agonie s’annonce lente et douloureuse. J’espère qu’avant de rejoindre les miens au paradis des éléphants, j’aurais le temps de terminer mon témoignage. Oh, non pas que je veuille que vous vous souveniez de moi. Je voudrais seulement que vous délivriez mes frères de leurs chaînes. Peut-être que, prenant conscience de ma misérable vie, vous prendrez pitié d’eux et les libérerez pour toujours. Sait-on jamais.
L’histoire de Fritz l’éléphant. Mon histoire.
Quand j’étais un jeune éléphanteau de quelques mois, j’ai vu mourir les miens : mon père, ma mère et tant d’autres ont été abattus en tentant de me protéger. Las, malgré leurs efforts, j’ai été capturé et embarqué de force sur un bateau en direction de l’Europe. Un voyage de plus de dix mille kilomètres m’attendait, dans des conditions de transport effroyables. Contrairement à beaucoup de mes compagnons d’infortune, d’autres éléphanteaux, des rhinocéros, des singes, des tigres et tant d’autres animaux de la jungle, j’ai survécu.
Devais-je m’estimer chanceux ou était-ce, au contraire, la pire des choses qui pouvait m’arriver ?
Durant les premières années de ma captivité, j’ai été enfermé dans un enclos étroit à l’intérieur duquel je pataugeais dans la boue formée par mes propres excréments. J’étais jeune, j’étais naïf : je pensais que rien de pire ne pourrait jamais m’arriver. Je ne pouvais pas plus me tromper.
Premiers pas au cirque
En 1883 – j’ai alors 13 ans – mon propriétaire décide que je suis fin prêt à être dressé. Douze ans passés dans un enclos trop petit pour que je puisse même faire demi-tour m’ont ôté tout ce qu’il pouvait me rester de fougue et de volonté. Habitué des maltraitances, des coups et des privations, je suis désormais résigné à suivre les ordres sans broncher.
J’apprends à marcher sur un rouleau, à saluer et à me dandiner en rythme. Bientôt, je suis prêt pour rejoindre la troupe d’un cirque ambulant. Transport en train pour nous produire de ville en ville. Répétitions des mêmes gestes encore et encore pour parfaire mon numéro. J’ai les genoux enflés à force de m’agenouiller. Je manque de soin au point que mes dents me font tellement mal, m’obligeant à passer parfois des nuits entières à cogner ma tête contre les barreaux de ma cage… mais qui s’en soucie ?
Ce sont des foules de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui se pressent pour venir me voir sur scène. Ils applaudissent et rient aux éclats. Ne voient-ils pourtant pas qu’aucune flamme ne brille dans mes yeux ? Que seule la peur d’être frappé guide chacun de mes pas ?
Tournée aux États-Unis
En 1888, mon propriétaire, en difficultés financières, me vend à deux personnes que j’aurais préféré ne jamais rencontrer, les deux associés à la tête du plus grand cirque du monde : Phileas Taylor Barnum et James Anthony Bailey [1Il s’agit ici du point de vue de l’éléphant Fritz pris sous un angle anthropomorphique. M. Barnum (1810 – 1891) est connu pour avoir fait fortune grâce à ses “freak shows” (présentation de monstres). Il parcourait les Etats-Unis pour trouver des personnes au physique sortant de l’ordinaire : femmes à barbe, nains, géants, frères siamois, bébés difformes, etc. avant de les exposer au public comme des bêtes de foire. Il est aussi connu pour avoir exposé l’éléphant Jumbo, qu’il a racheté au zoo de Londres, l’une des plus grandes vedettes de son cirque. L’éléphant géant mesurait près de 4 mètres de haut. Impressionnés par sa taille gigantesque, les Américains en firent un héros national. Walt Disney s’en inspira d’ailleurs pour son célèbre dessin animé.]. Leur projet est de me produire dans une grande tournée à travers les États-Unis. Près de 20 ans après mon premier voyage qui me porta de ma terre natale, en Inde, jusqu’à l’Europe, je connais de nouveau les affres d’un voyage en bateau interminable. Cette fois, je ne suis plus cet éléphanteau apeuré qu’on vient de priver de l’amour de sa mère. Je suis un éléphant en pleine force de l’âge, mais à l’‘esprit brisé par les hommes.
Je débarque en Amérique et fais mes premiers pas dans mon nouveau cirque. Ah ! C’est qu’il en jette leur fameux “Greatest show on earth” ! 12 chapiteaux, 3 pistes, 2 scènes annexes. Des milliers de personnes s’exclament devant les artistes et les animaux. Ma vie en Amérique ressemble à celle en Europe, en plus dur et en plus intense. Mes geôliers, qui se nomment “dresseurs”, ne manient plus un simple fouet pour me faire mal mais un “ankus”, un gros bâton prolongé par un crochet pointu qui me transperce les chairs.
Les ouvriers qui passent leur vie à monter et à démonter tout ce “barnum” n’ont pas une vie plus enviable que la mienne.
Un soir, j’ai pété les plombs. J’ai plaqué au mur un apprenti palefrenier et j’ai appuyé, encore et encore, de tout mon poids. J’ai senti ses os se briser un à un. Cet acte désespéré n’a servi à rien. Ce soir-là, ils s’y sont mis à plusieurs pour me tabasser. Barnum n’ébruita pas l’affaire, par peur du scandale. La vie reprit son cours dans le cirque. Les apprentis palefreniers, ce n’est pas ça qui manque.
En 1898, un nouveau défi m’attend : la traversée de l’Atlantique. Encore ! Barnum mort, c’est Bailey seul qui tient les rênes de l’entreprise et il pense que l’avenir de son cirque est en Europe. Soit. Je me retrouve ainsi parqué au milieu d’ours polaires, d’hippopotames et de centaines d’autres animaux venus des quatre coins du monde. Aucun d’entre eux n’a un traitement plus enviable que le mien. Comme moi, quasiment aucun n’est né en captivité (quelle mère souhaiterait mettre au monde un nourrisson dans ces conditions ?) et tous ont donc été arrachés à leur terre natale pour vivre l’enfer sur terre.Ces trente dernières années, j’ai vu mourir de faim, de froid et de mauvais traitements des centaines d’animaux.
Tours, 1902
Et me voici en France, à Tours, en cette funeste année 1902. Je n’ai plus la force de lutter contre les chaînes qui étreignent mon cou. Couché sur le flanc, les jambes bloquées par des câbles, j’agonise lentement. La journée avait pourtant commencé comme les autres…Après la représentation, un long cortège dans les rues de la ville permet de divertir la foule. Je marche au pas, au milieu des jongleurs, des clowns et d’autres animaux exotiques.
La foule est là, tout autour de moi. Elle hurle à mes oreilles. Les gens me touchent, me tirent des poils pour ramener un souvenir chez eux. Cela fait des années que j’endure ça. Pourquoi ?
J’ai un flash. Le soleil du Bengale se reflète au loin dans sur un point d’eau.Tout le troupeau s’en approche et ma mère m’arrose généreusement avec sa trompe. Je ne sais pas encore me servir de la mienne et, entraîné par mon propre poids, je tombe à la renverse pour m’abreuver avant de me relever maladroitement, un peu honteux.
Ma vie n’a plus aucun sens. Je m’arrête de marcher et barris si fort que la foule s’arrête soudain de parler, comme si elle prenait tout à coup conscience de ma puissance. Ce barrissement n’est plus celui du désespoir. Il est celui de la colère. J’arrache les chaînes qui me lient à deux autres éléphants et je fonce dans la foule. Je sais que je signe à l’instant mon arrêt de mort… Qu’importe! Les gens diront que je suis devenu fou, qu’il a fallu m’abattre pour éviter un drame. J’ai entendu déjà tant de justifications bancales quand il s’agit de tuer un animal.
La vérité, c’est que je ne suis pas devenu fou mais, au contraire, très lucide. Je me tourne vers un de mes geôliers. Son regard croise le mien et, pour la toute première fois, j’y lis une peur viscérale, ce qui m’excite davantage. Je vais mourir aujourd’hui, mais je ne vais pas mourir seul.
Hélas, une chaîne, puis une autre, étreignent mes jambes arrières. Je tombe à la renverse. Un homme dont je ne reconnais pas la voix ordonne que l’on me tue sur le champ. Je sens les chaînes que l’on place autour de mon cou et qui m’empêchent de respirer. Qu’il est dur de mourir, même quand on n’a plus rien à perdre.
Je ne sens plus la douleur.
Je ferme les yeux et m’enfonce dans un sommeil sans fin.
Quelques commentaires
Ce texte est dédié aux milliers d’animaux sauvages qui sont encore détenus par des centaines de cirques en France et dans le monde. Parmi eux, à titre indicatif, selon un rapport de l’association One Voice en 2004, il y avait encore au moins 288 éléphants dans 83 cirques dans la seule Europe [2Les éléphants subissent aussi une autre forme d’exploitation, en Asie notamment, où les éléphants et d’autres animaux sauvages sont exploités à des fins touristiques. Même si nous ne pouvons agir sur la réglementation de pays souverains, il est dans notre pouvoir de consommer différemment. Sans touriste pour alimenter ces commerces indignes, les pratiques locales changeront.].
En mai 2017, le cirque Barnum a mis définitivement la clef sous la porte après 146 ans d’existence. Selon ses dirigeants, la fin des représentations d’éléphants mise en place l’année précédente sous la pression du public et des associations de défense animale aurait conduit à une baisse drastique de la fréquentation.
S’il veut survivre au XXIe siècle, le cirque devra, c’est une certitude, se réadapter. Car les animaux n’y sont pas « bien traités » [3Pour s’en convaincre, lire l’interview de Nancy Richardson Fischer qui a travaillé pour le cirque Barnum dans sa jeunesse et affirme que les éléphants y perdaient peu à peu la raison. Ou encore cet appel de 9 vétérinaires dénonçant la souffrance physique et psychologique des éléphants de cirque.]. Même avec tout l’amour (supposé) de leur propriétaire, leur place n’est ni dans une cage ni sur une scène à faire les pitres sur un rouleau. Leur place est dans leur milieu naturel, protégé des braconniers.
L’histoire de Fritz s’est déroulée il y a cent ans.
C’était hier.
En 2017, un tigre de cirque a été abattu en plein Paris à coup de fusil à pompe, parce qu’il avait échappé à la surveillance de son dresseur. Des scandales sortent régulièrement, comme dans ce cirque au Portugal où des éléphants et un lion étaient maltraités.
C’est aujourd’hui.
Dans les cirques européens, les choses évoluent petit à petit : le cirque Bouglione fait la promotion sur son site internet du bien-être de ses animaux :
Le Cirque d’Hiver Bouglione a pris soin d’offrir à̀ ses éléphants un grand parc de repos, offrant tout le confort nécessaire à leur bien-être.
Pas sûr que cette posture soit suffisante… Le cirque Gruss, quant à lui, annonce sur son site internet l’arrêt des numéros mettant en scène certains animaux :
Nous avons choisi de ne pas proposer de numéro de présentation d’éléphants et de fauves mais présenterons un numéro avec une otarie, un lion de mer et des pingouins.
…avant de tempérer :
Cela ne signifie en aucune manière, la disparition définitive des animaux “sauvages” au sein de [nos] spectacles.
(Notons l’usage des guillemets sur “sauvages”)
Pour les défenseurs de la cause animale, il y a donc encore du pain sur la planche.
Le livre d’Isy Ochoa
Beaucoup d’informations de cet article sont tirées du livre écrit et illustré par Isy Ochoa. À lire d’urgence, puis à mettre bien au chaud sur votre bibliothèque pour le relire encore. Petit tirage (je crois), donc à commander de toute urgence chez votre libraire indépendant ! (ou à défaut sur Amazon)
Notes
1. | ↑ | Il s’agit ici du point de vue de l’éléphant Fritz pris sous un angle anthropomorphique. M. Barnum (1810 – 1891) est connu pour avoir fait fortune grâce à ses “freak shows” (présentation de monstres). Il parcourait les Etats-Unis pour trouver des personnes au physique sortant de l’ordinaire : femmes à barbe, nains, géants, frères siamois, bébés difformes, etc. avant de les exposer au public comme des bêtes de foire. Il est aussi connu pour avoir exposé l’éléphant Jumbo, qu’il a racheté au zoo de Londres, l’une des plus grandes vedettes de son cirque. L’éléphant géant mesurait près de 4 mètres de haut. Impressionnés par sa taille gigantesque, les Américains en firent un héros national. Walt Disney s’en inspira d’ailleurs pour son célèbre dessin animé. |
2. | ↑ | Les éléphants subissent aussi une autre forme d’exploitation, en Asie notamment, où les éléphants et d’autres animaux sauvages sont exploités à des fins touristiques. Même si nous ne pouvons agir sur la réglementation de pays souverains, il est dans notre pouvoir de consommer différemment. Sans touriste pour alimenter ces commerces indignes, les pratiques locales changeront. |
3. | ↑ | Pour s’en convaincre, lire l’interview de Nancy Richardson Fischer qui a travaillé pour le cirque Barnum dans sa jeunesse et affirme que les éléphants y perdaient peu à peu la raison. Ou encore cet appel de 9 vétérinaires dénonçant la souffrance physique et psychologique des éléphants de cirque. |
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J’ai le privilège d’être le premier à commenter, et certainement pas le dernier étant donné les multiples réactions que ce texte ne manquera pas de susciter.
Depuis des années, je m’insurge contre la présence d’animaux dans les cirques. Ce qui m’énerve le plus ce ne sont pas les propriétaires de cirques, qui, eux, tentent de survivre dans une société qui a de moins en moins besoin d’eux. Non, c’est les parents qui emmènent leurs enfants voir et toucher les animaux sauvages, en cages ou enchaînés. Parents, est-ce cette vision de la nature que vous voulez donner à votre enfant ? Ne pouvez-vous pas faire l’effort d’aller dans un parc zoologique où, à défaut d’être dans leur environnement naturel, les animaux disposent au moins d’espaces et de confort généralement satisfaisants ?
Un enfant sera toujours attiré vers un animal. Qu’il soit enchaîné ou non, lui ne verra pas la différence avec ses yeux pleins de candeur et de naïveté. La notion même de maltraitance n’existe pas chez un enfant. Il ne voit donc pas où est le mal pour un animal d’être en cage. C’est à vous, parents, de l’éduquer ! Ne tombez pas dans la facilité de lui offrir un divertissement à moindre prix qui, non seulement ne lui permettra pas de façonner l’image de ce qu’est réellement le monde sauvage, mais en plus contribue à faire des animaux un incontournable du cirque.
Je ne dis pas de boycotter le cirque… Allez-y ! Mais uniquement ceux qui n’ont pas d’animaux sauvages. Sinon, c’est cautionner.
Je cours demain à la FNAC acheter le livre présenté à la fin. Rien que la couverture est magnifique. Sobre, elle fait ressortir la tristesse de l’éléphant qui semble appeler le lecteur au secours.
On peut aimer les animaux sans tomber dans un manichéisme malsain « les méchants cirques » vs. « les gentils protecteurs de la nature ».
Si les gens réclament des animaux dans les numéros, ce n’est pas de la faute des cirques. C’est déjà une activité en grand danger et, je pense qu’ils font suffisamment pour bien traiter leurs animaux. Dites à un dompteur qu’il maltraite ses animaux et je pense que vous allez passer un sale quart d’heure !
C’est vrai, il y a des décennies de cela les normes n’étaient pas les mêmes et la tolérance de la société envers la souffrance animale n’était pas la même non plus.
Avant d’emmerder les cirques, on pourrait déjà aller voir ce qui se passe dans les abattoirs ou dans les arènes avec les corridas.
Vous vous êtes récemment insurgés contre la corrida, maintenant c’est au tour des animaux de cirque… Z’êtes en mode « énervé », Djinnzz. Faut vous calmer car c’est pas bon pour le cholesterol ! 🙂
Blague à part, depuis plusieurs années que je vous lis, je soutiens vos combats en général, et celui-ci en particulier.
Le point de vue anthropomorphique me gêne… Il délivré une dose de pathos qui n’est pas forcément nécessaire ici.
C’est très bobo parisien de s’insurger pour un oui pour un non contre de soi-disant mauvais traitements. Et ce sont les mêmes qui emmènent leurs gamins au zoo ou au cirque.
bobo parisien ? je ne comprends pas, vous parlez de qui ? de l’auteur ?
La nation iroquoise avait l’habitude de demander, avant chaque palabre, qui, dans l’assemblée, allait parler au nom du loup. Eh bien dans ce livre, j’ai parlé au nom de Fritz.
quant à « bobo parisien » je ne comprends pas ce que vous voulez dire
Superbe texte qui m’a donné des frissons. Que l’homme est cruel…
Je ressens la même chose qu’à la lecture de la mort du loup, superbe poème d’Alfred de Musset. « Le loup vient et s’assied… » que je connaissais par cœur il y a quelques années.
Tous les textes qui dénoncent la cruauté de l’homme sont bons à prendre, en espérant que l’homme deviendra un jour assez intelligent pour respecter Mère Nature.
D’un point de vue moins prosaïque et plus scientifique, Fritz était probablement en état de musth lors de sa charge folle dans la foule de Tours. C’est un état passager qui revient périodiquement chez l’éléphant. Même le plus calme des pachydermes peut se transformer en créature folle pendant cette période.
A ne pas confondre avec le rut chez les autres animaux : certes, l’éléphant produit de la testostérone jusqu’à 60 fois plus que la normale, mais cet état quasi de transe n’est peut-être pas relié aux besoins de reproduction. Les mâles en musth attaquent d’ailleurs les femelles éléphants et ne s’accouplent généralement pas avec elles.
La science, en tout cas, reste confrontée à cette énigme.
Voilà, ce point scientifique me semblait nécessaire pour tenter de comprendre la réaction de Fritz. Je ne dis pas qu’il était forcément en musth à Tours en 1902, mais l’explication est plausible, voire même plus probable que la seule « volonté de suicide » décrite dans l’article.
Pour infirmer ou confirmer votre théorie, il suffirait d’éplucher les archives de l’époque. si les sources mentionnent une tache sur les tempes, c’est que Fritz était en musth. En effet, pendant cette période, l’éléphant sécrète un liquide épais qui s’écoule sur ses joues.
Dommage, la photo prise sur la carte postale ne permet pas de le distinguer.
JeanHannoud : C’est trop facile comme théorie… Elle dédouane complètement la responsabilité du propriétaire de l’animal. Genre « c’est pas de notre faute, c’est cette saleté d’éléphant qui est complètement fou ». Ou comment se défausser et ne jamais regarder son inhumanité en face.
Pan : justement, la photo permet clairement de distinguer qu’aucun liquide ne s’écoule le long de ses joues.
D’autre part, on peut supposer que les dresseurs connaissaient cet état psychologique de l’éléphant lié au musth et ils ne l’auraient pas exhibé au milieu de la foule.
il n’est pas dit que Fritz a voulu se suicider dans le livre
d’après les photos de Fritz au moment de sa mort, aucun liquide ne s’écoulait de ses tempes
Une source m’a indiqué qu’il souffrait terriblement des pieds et ceci est dit dans le texte
Livre commandé 🙂
Merci pour cette découverte.
Il ne faut pas juger les comportements humains ayant eu lieu à une époque révolue.
Les mentalités n’étaient pas les mêmes. Ce qui est jugé comme « irresponsable » aujourd’hui pouvait être tout à fait normal à une autre époque.
A une époque où les enfants travaillaient à l’usine ou à la mine à 8 ans sans que cela choque personne, le rapport à la souffrance n’est pas le même. Et donc, forcément, la sensibilité des gens sur la cause animale presque inexistante.
Bref, si on juge le passé avec nos valeurs actuelles, c’est tous les êtres humains qui ont vécu avant nous qu’il faudrait mépriser. En réalité, ce n’était pas plus des monstres que ça, ils n’avaient pas la même perception des choses nous, notamment sur les grands sujets qui secouent notre société aujourd’hui.
Question : comment serons-nous nous même jugés par les générations futures ?
Il n’y a aucun jugement des hommes dans ce livre
c’est simplement le témoignage (forcément fictif) d’un éléphant de cirque
bien entendu les hommes n’étaient pas beaucoup mieux lotis à l’époque
isy ochoa : vous êtes l’auteur du livre ? Merci de prendre le temps de venir me répondre. Je ne voulais pas dénigrer votre travail en particulier, je parlais seulement en général.
Rappeler que le bien-être animal n’est pas la priorité dans une société où les enfants doivent travailler pour faire survivre leur famille me semblait important.
Cela n’enlève rien au fait que l’histoire de cet éléphant est très triste.
A mes yeux, le bien-être animal est aussi important que le bien-être des hommes. C’est lié. Les deux sont en miroir. Dans l’album « Fritz » je n’ai pas traité du sort des hommes pendant cette période, je me suis concentrée sur le sort des animaux de cirque et tout particulièrement sur l’histoire de Fritz, c’était le sujet. Bien que j’ai tenu absolument à évoquer les zoos humains sur une page, une seule page hélas, le « format » album oblige à être court. Mais bien entendu tout cela, cette époque mérite plus long, plus développé. Je ne pense pas porter un quelconque jugement sur les hommes dans mon texte. J’ai simplement essayé le plus possible de m’en tenir aux faits. A nous de remettre ces faits dans leur contexte et de comprendre que les mentalités évoluent. Cependant, s’il y a une chose qui évolue plus lentement que les autres, c’est bien le sort des animaux dans les cirques : la captivité, l’itinérance, les mauvais traitements, etc. Fritz est emblématique du martyre des animaux de cirque pour cela.
Vous aviez parlé de ce livre il y a quelques semaines sur Facebook. Je me les suis procuré pour l’offrir à ma fille. Je plussoie : ce livre est magnifique. Un peu comme le Petit Prince, il a différents niveaux de lecture et peut intéresser les petits comme les grands.
Une belle histoire bien racontée… Merci maître Djinnz !!
Je me réjouis de la suppression progressive des animaux de cirque, même s’il reste encore beaucoup à faire. Je pense que les générations futures seront certainement beaucoup plus sensibles à ces questions et que le problème de la souffrance animale, pour le loisir mais surtout pour l’alimentation (abattoirs…) sera au cœur de la société de demain.
Et si l’humanité 2.0 était celle qui ne tuait plus les animaux et parvenait à se nourrir autrement ?
Le texte est magnifique. Le livre, j’imagine, doit l’être aussi.
Merci pour cette découverte… il est de l’intérêt public d’informer les gens sur ces choses horribles. Et ce n’est pas les médias traditionnels qui le feront.
Par médias traditionnels, vous voulez dire BFM, LCI, CNews, TF1 et compagnie ?
Mais non, enfin, vous êtes mauvaise langue. Certes, 95% des médias français appartiennent à 7 milliardaires (Bouygues, Drahi, Bolloré, Lagardère, Arnault, Niel)
Mais que tous ces milliardaires soient les grands amis de Macron n’est qu’un hasard, voyons.
Je suis toujours surpris de lire des commentaires négatifs sur des sujets aussi universels que la souffrance animale. Cet éléphant fait honte à la ville de Tours qui l’a empaillé et exposé aux yeux de tous. Quel est le but ? Rappeler à quel point l’homme est pourri avec la nature et ne respecte rien ?
Ou bien de faire faire des cauchemars en leur montrant un cadavre d’éléphant ?
On va me rétorquer que ça fait partie du patrimoine de la ville, j’imagine… Ce type d’argument ne m’a jamais convaincue : quand un patrimoine s’avère mauvais, on s’en débarrasse.
On pourrait par exemple offrir une sépulture décente à Fritz et ériger une magnifique statue d’un éléphant, en taille réelle, en sa mémoire.
Voilà qui enverrait un signal fort et qui honorerait le maire de cette ville.
Très beau texte, d’une grande sensibilité. Merci pour ce partage
c’est très intérèssant!
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