Vaccination, luttes sociales,… on est tous le passager clandestin de quelqu’un !
On commence par une vidéo où je vous résume le concept :
Et pour ceux qui préfèrent la bonne vieille lecture :
Aujourd’hui, on va parler du concept de « free rider« … mais pas de ceux qui font du ski en haut de la montagne ! En sociologie, ce terme anglais se traduit en français par « passager clandestin » et c’est un concept peu connu dans le grand public alors qu’il est pourtant très développé dans les ouvrages de sociologie.
Les « passagers clandestins » sont les personnes qui profitent des avantages d’un système sans s’y investir personnellement, contrairement aux autres membres du groupe auquel il appartient.
En premier lieu, il est intéressant de constater que les termes français et anglais, qui désignent pourtant la même chose, n’ont pas du tout la connotation. « Free rider » (littéralement « cavalier libre ») met en avant la liberté d’action que s’octroie la personne, tandis que la connotation péjorative de l’expression française « passager clandestin » n’échappe à personne… Deux visions différentes d’un même sujet !
Rien de mieux que quelques exemples pour saisir la portée de ce concept… C’est parti !
La vaccination
Les parents qui refusent de faire vacciner leurs enfants sont des passagers clandestins, étant donné qu’ils peuvent se permettre de refuser la vaccination uniquement parce que la totalité des autres enfants de la société sont quant à eux vaccinés. Par conséquent, les maladies infantiles sont quasiment éradiquées et, du coup, il n’y a pas beaucoup de risques à refuser la vaccination de ses propres enfants.
Mais si une majorité de parents adopte ce type de comportement, c’est le système entier qui s’écroule ! Et les maladies infantiles feront illico leur réapparition…
Le but ici n’est pas de juger le comportement des uns ou des autres mais d’analyser l’impact que celui-ci peut avoir sur le reste de la société.
(On ne va donc pas s’attarder sur le principe de la vaccination… Les parents qui s’y opposent ont leur propre raison, liée généralement à des scandales sanitaires dans l’industrie pharmaceutique. Mais c’est hors-sujet ici.)
Les transports en commun
On sait tous que les transports en commun ont un coût. Infrastructures à déployer, matériel à acheter et à entretenir, personnel à rémunérer, etc. Et ce coût, en France, est répercuté sur les usagers.
(Bien sûr, un autre modèle économique existe, en proposant par exemple la gratuité des transports pour tous… Le financement reviendrait alors à l’ensemble des citoyens, par le biais de leurs impôts : tout citoyen payerait les coûts des transports en commun à hauteur de ses moyens, qu’il les utilise ou non. Ce n’est pas le sujet ici : le but de cet article n’est pas de déterminer si un modèle économique est meilleur qu’un autre, mais bien d’analyser l’impact du comportement de certains usagers sur le reste de la société !)
Dans le contexte des transports en commun, les « passagers clandestins » sont les resquilleurs : des personnes qui refusent de payer (ou qui n’en ont pas les moyens) pour bénéficier de ce service. Le problème, c’est que si le nombre de resquilleurs augmente, c’est le concept-même du transport en commun qui est remis en question… Sans parler de la frustration des usagers « en règle » qui auraient l’impression de payer pour les autres et d’être donc, en quelque sorte, les dindons de la farce !
La lutte contre ces « passagers clandestins » est donc nécessaire pour l’équilibre du système. Ne vous étonnez donc pas de voir autant d’équipes de contrôleurs sillonner les réseaux et de devoir payer des amendes salées si vous n’êtes pas en règle !
La lutte sociale
Un autre thème est celui de l’action sociale, de l’action syndicale ou plus généralement de l’action militante. On sait tous qu’en France, et même dans l’ensemble des sociétés occidentales, seule une minorité de personnes s’implique personnellement dans la lutte sociale. Par contre, tous les avantages qu’ils obtiennent profitent à l’ensemble de la société. C’est donc un confort pour la quasi-totalité des gens de savoir qu’une minorité de personnes se battent… mais que les fruits qu’ils ne manqueront pas de récolter profiteront à tout le monde !
(Parfois, pour se donner bonne conscience, on peut être tenté de signer une des nombreuses pétitions qui circulent sur le net : sauver les pingouins, augmenter les retraites ou même – soyons fous ! – obtenir la démission d’un Président de la République ou d’un ministre… Les raisons d’apposer sa signature numérique sont nombreuses ! Soyons honnêtes : signer une telle pétition et ensuite retourner à ses occupations quotidiennes ne nous transforme pas d’un coup de baguette magique en un militant acharné. Ce phénomène, qui porte le nom anglais de slacktivisme, serait même contre-productif et tendrait à éloigner les citoyens des manifestations dans la rue…)
Mais revenons à notre concept de passager clandestin… Dans le contexte des luttes sociales, on est en présence d’un « retournement numérique » par rapport à la vaccination ou des transports en commun : c’est ici la quasi-totalité de la population qui est le passager clandestin d’une minorité de personnes qui se bat pour les autres…
Internet
Un dernier sujet qui me tient particulièrement à cœur, c’est celui d’internet. En effet, on est des milliards d’internautes à travers le monde (4.39 milliards en 2018, pour être précis) et seule une minorité de ces internautes sont créateurs de contenus.
Qu’ils soient blogueurs, youtubeurs, contributeurs sur Wikipedia, la plupart de ces « créateurs de contenus » le sont à titre bénévole, par simple passion et pour partager leur savoir avec le reste de l’humanité.
Or, c’est grâce à ces gens-là que « surfer sur le web » (pour reprendre une expression très « année 90 » !) est devenu si intéressant ! Imagine-t-on aujourd’hui internet sans Wikipedia, sans ses webzines, sans ses blogs ?
Sans eux, internet serait réduit à une coquille vide où seules les marques et les contenus commerciaux auraient leur place.
Un peu comme pour l’action militante, c’est l’ensemble des internautes qui est le passager clandestin d’une infime minorité de créateurs de contenus.
Conclusion
Vous l’aurez compris, les exemples de passagers clandestins sont légion ! Ils sont tellement nombreux, d’ailleurs, que l’on peut dire sans prendre le risque de se tromper que l’on est tous, à un moment ou à un autre de sa vie, le passager clandestin de quelqu’un…
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Djinnzz
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Super sujet, ça m’a passionné !
Le concept n’est pas compliqué, il suffisait d’y penser… Mais ça permet de mettre un mot scientifique sur des comportements qu’on peut bserver un peu tous les jours…
Thank you Bro
Avec ta vidéo, tu vas te retrouver avec le lobby anti-vaccin sur le cul… déferlement de haine dans 3, 2, 1…
T’inquiète, certains ont déjà commencé sur Facebook… [Soupir]
C’est des Gilets Jaunes qu’on voit sur la photo d’illustrations ? Tu continues à soutenir le mouvement ?
Hello JPQ ! À une période, je ne me suis pas contenté de les soutenir mais d’en faire partie…
Maintenant, c’est compliqué ! Le cœur n’y est plus vraiment et c’est un peu parti dans tous les sens. Mais je pense que la réponse politique n’a pas été à la hauteur des attentes et que la colère sociale va resurgir d’une façon ou d’une autre dans quelques mois ou quelques années.
Mais bon, on s’écarte largement du sujet des passagers clandestins, là 🙂
Merci pour ta réponse honnête !
On s’écarte du sujet, oui et non… Il n’y a eu que 300 à 500 000 personnes dans la rue au plus fort de la contestation (sur 70 millions de Français, c’est peu. Pourtant, les avantages qui en ont été retirés (même si tu les juges insuffisant, c’est ton droit) ont bénéficié à beaucoup plus : Hausse de la prime d’activité pour les smicards, suppression des hausses de la CSG pour les retraités, suppression de la hausse de la taxe carbone sur les carburants, et j’en oublie sûrement.
Même si je n’ai jamais enfilé de GJ personnellement, j’attends que tous ceux qui sont ou ont été contre ce mouvement remboursent à l’État les avantages qu’ils en ont retiré !!
@JPQ : Tu peux attendre longtemps ! C’est justement parce que le principe de « passager clandestin » (nom poli pour désigner les putains de profiteurs qui se foutent de l’intérêt commun) est ancré au plus profond des gens que même les plus virulents des Foulards Rouges ne sont pas gênés le moins du monde par le fait d’empocher de l’argent acquis grâce aux Gilets Jaunes…
Je connaissais déjà le concept, mais l’angle adopté ici est intéressant : je n’avais jamais pensé à la distinction des cas de figure où une majorité est le passager clandestin d’une minorité.
C’est une situation qui semble paradoxale… mais qui se tient si l’n y réfléchit bien !
J’adore votre site et votre age Facebook qui se complètent à la perfection… Bravo monsieur le « créateur de contenus » pour reprendre l’expression de l’article 🙂
Ce principe du passager clandestin est à rapprocher du fameux « not in my backyard », traduisible par « pas chez moi ! ».
Les éoliennes ? Les Français sont majoritairement pour, sauf si elles sont implantées devant chez eux.
Les lignes TGV ? Oui, pratique pour se deplacer sans polluer… À condition que les infrastructures ne soient pas en face de chez soi !
Bref, tout est bien… Mais chez les autres !
Excellent article et bonne vidéo !
Pas encore tout à fait à l’aise face caméra mais ça viendra 🙂